Her - Spike Jonze // Analyse et critique architecturale
Licence 2 - Semestre 3
«HER» illustre la vision pragmatique d’une architecture future
---------Theodore, un quadragénaire, vit à Los Angeles en 2025, dans un monde où la technologie est omniprésente afin de servir l’homme, et dans un sens commence à prendre sa place. Ce personnage incarne une figure triste, qui n’at- tend rien de la vie, il ne fait que reproduire les gestes d’une société de consomation. Il fait alors l’acquisition d’un OS1, un nouveau système d’exploitation plus performant pour son ordinateur et ses appareils connectés. Il trouve en ce système, qu’il nomme Samantha, bien plus qu’un outils numérique. Spike Jonze partage, à tra- vaers sa réalisation, sa vision du monde en 2025 inspiré de notre société actuelle.
---------Le contexte temporel et visuel du film nous invite à découvrir partiellement ce que deviendrai la ville de Los Angeles en 2025 selon Spike Jonze : une question nous vient en tête à la vue de cet environnement à la fois nouveau mais très terre-à-terre, où l’on peut facilement se projeter : en quoi la vision de la ville future de Spike Jonze est-elle pragmatique ?Pour répondre à cette question, nous verrons d’abord quelle est la définition et les caractéristiques de la métropole du futur selon Spike Jonze («patchwork» culturel, architectural, idée de globalisation, ville) puis nous verrons dans un second temps que cette vision différe très largement des clichés que le cinéma de science-fiction a pris l’habitude de nous offrir et pour finir nous nous intéresserons à la construction d’une telle idée de la ville à travers des exemples et références architecturales, sociologiques et anthropologiques pointues. (Des Espaces Autres, Michel Foucault)
---------Pour développer son idée de la métropole future, Spike Jonze fait appel a l’architecte Elizabeth Diller, architecte américaine et cofondatrice de l’agence Diller + Scofidio. Ils réfléchissent tous deux à comment modeler de la manière la plus réaliste, la ville du futur, sans tomber dans des clichés utopiques ou dystopiques, prenant en compte notre environnement actuel, avec les avancées tech- nologiques, architecturales et culturelles que nous connaissons aujourd’hui.Elizabeth Diller évoque déjà l’idée qu’il faut penser le futur à partir du présent, ne pas se représenter un futur en totale rupture avec notre ère et de ne se baser sur les films de science-fictions que nous connaissons tous, qu’elle dé- crit comme «technophobiques» avec des scènes d’apocalypse vendant l’idée d’une technologie surpassant l’homme, lui donnant une image inhumaine et brutale, et destructrice. Dans ce film, il faut imaginer une architecture qui intégre la techno- logie «humainement» - de manière non agréssive, tendant vers le minimalisme . En effet, l’appartement du personnage principal témoigne de ce parti pris dans l’image, le style de vie, imaginé pour la citadin(e) de la métropole du future. Dans son appartement située sur un toit d’immeuble, l’amménagement est très sobre, le spectateur peut se projeter - on observe que la technologie n’a pas pris le dessus sur la composition de l’habitat, aucun surplus de technologique, hight-tech ou holographique n’est visible, mais plutôt les objets du quotodient que l’on trouve dans nos pièces à vivre, canapé, tables, instruments de musique et évidement, le bureau et son ordina- teur, pas très différents de celui que l’on connait. Le tout donne à ce film de «science-fiction» un caractère minimaliste inédit méconnu dans le domaine. Nous ne sommes pas dans un environnement de «spéculation futurisque» mais dans un réalisme à la fois simple et frappant.
C’est ce qu’exprime Elizabeth Diller dans une interview donnée à Architect Magazine :
«That’s why I think the film is interesting. It’s not futuristic. It’s set in the near future and it’s almost be- lievable that that could happen. It’s so close to every day normal life.It makes you slightly uncomfortable. When you go see sci-fi, you’re just prepared for fantasy and speculation about the future—and nothing ages faster than those kinds of notions. But this has so much nuance and it’s funny and strange. »
Sur cette même photo (ci-dessus), nous pouvons voir le panarama qu’offre l’appartement de Théodore sur la ville de Los Angeles en 2025 : un véritable mélange urbain constitue la nouvelle skyline de Los Angeles. Elizabeth Diller parle d’un futur globalisé, d’un mélange des cultures, se reflétant dans l’architecture de la ville, comme l’évoque par ailleurs Robert Adam, architecte écossais, dans son article sur la place de l’architecture dans la mondialisation, globalisation : « L’architecture est le miroir, le reflet de la société.» Pour illustrer cette diversité dans l’architecture - une architecture globalisée, des scènes du films ont été filmés dans plusieurs grandes métropoles reliée au reste du monde en plus de Los Angeles, comme New York, et même Shangai (ci-dessous). La mise en scène du Walt Disney Concert Hall conçu par Frank Ghery en 2003 démontre encore plus cet attachement aux années 2000. Des architectures plus anciennes sont également mis en scène : avec l’utilisation du Pacific Design Center construit en 1975, et insistent sur l’importance de l’aspect «rétro» dans le film, reflétant également l’état d’esprit du film, et plus encore l’état d’esprit du personnage principal.
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-Il a été intéressant de mettre en relation l’environnement de ce film avec d’autres références cinématographiques et bibliographiques pour comprendre les choix esthétiques du film. Nous avons comparer et mis en relation l’univers de Spike Jonze à Until The End of the World de Wim Wanders, Vitesse et politique de Paul Virilio, et Globalisation and Architecture de Robert Adam.
---------Contrairement à Until The End of the World, Her propose une vision non futuriste d’un potentiel lendemain. En effet, Wim Wenders, plonge le spectateur dans un univers qui relate de plus en plus de la science-fiction à mesure qu’il avance dans le film. Le réalisateur crée cette histoire dans les années 1990 dans le but de montrer un futur proche envahit et détruit par la haute technologie. Deux manières d’aborder le futur proche se distinguent, Spike Jonze opte pour une version assez proche de l’actuel alors que Wim Wanders travaille un scénario complètement autre ; celui d’un monde déchu où la tech- nologie est omniprésente.
---------Selon Spike Jonze, le temps, la vitesse que prennent les avancées technologique et la spirale dans laquelle notre société s’est engouffrée avait simplement ralenti. En 2025, peu de différences sont visibles avec le monde que nous connaissons aujourd’hui. Le seul changement conséquent est la possession de conscience de l’informatique. Cette vision est paradoxale si l’on se réfère à la densité du progrès depuis quelques dizaine d’année. Nous passons d’un schéma quasiment exponentiel à un autre qu’on pourrait qualifier de stagnant. Ce qui, dans la vision du futur par Spike Jonze s’applique également à l’évolution de l’architecture. Les choses ont peu évoluées, on retrouve une architecture de type internationnale, comme si le schéma et les objectifs de la globalisation ont été atteint, c’est l’idée que l’on retrouve en paralèlle dans l’essai de Robert Adam : Globalisation and Architecture. L’aspect futur du film est en totale contradiction avec les suppositions de Paul Virilio, urbaniste et essayiste français. Dans Vitesse et politique, il réfléchit à la vi- tesse avec laquelle le monde évolue, selon quelles idées directrices, et quelles en seront les conséquences. Selon lui, le monde change de manière trop rapide, et l’action disparaît. Dans le film Her, l’action est au cœur du sujet, le personnage agit et fait des choix afin d’essayer de raccrocher quelques morceaux de bonheur à sa vie terne.
«La vitesse, c’est la vieillesse du monde... emportés par sa violence, nous n’allons nulle part, nous nous contentons de partir et de nous départir du vif au profit du vide de la rapidité. Après avoir longtemps signifié la suppression des distances, la négation de l’espace, la vitesse équivaut soudain à l’anéantissement du Temps : c’est l’état d’urgence. En fait, la course surgit de l’histoire comme une sublimation de la chasse, son accélération achève l’extermination la vitesse devient à la fois un destin et une destination. Chasseur, éleveur, marin, pirate et chevalier, conducteur de char, automobiliste, nous sommes tous les soldats inconnus de la dictature du mouvement... Nous l’avions semble t-il oublié, à côté de la richesse et de son accumulation, il y a la vitesse et son accélération, sans lesquelles, centralisation et capitalisme auraient été impossibles.»
«En cette fin de siècle, le temps du monde fini s’achève et nous vivons les prémices d’une paradoxale miniaturisation de l’action que d’autres préfèrent baptises automation.»
Extraits de Vitesse et politique, Paul Virilio
Vue panoramique de Los Angeles dans Her
---------Pour conclure, nous pouvons dire que Spike Jonze, dans la mis en place du contexte archi- tectural du film, a oeuvré dans la sobriété, en évitant les clichés du cinéma de science-fiction vu et revu. Cette sobriété est à la fois en rapport avec l’intrigue du film, sa morale, et renvoie directement au côté nostalgique de Théodore, le personnage principal. Cet environnement est également comparé avec des sources journalistique telles que l’article sur la globalisation de l’architecture par Robert Adam, avec l’idée d’une architecture qui a atteint son summum, son apogée, stagnante, à l’instar des avancées technologiques que nous connaissons aujourd’hui, et qui semble avoir évoluer sur le fond (intelligence artificielle, etc.) mais peu sur la forme (minimalisme). En définitif, cette évolution s’applique également à l’architecture, qui sur la forme, comme nous le voyons dans le film, ne semble pas très différente de l’architecture internationale que nous observons dans les grandes métropoles d’aujourd’hui, mais qui peut-être dans le fond, sont plus diverses, et plus connectées.
Antoine TISSOT & Ingrid RABENDA ENSAL




